Le grand intellectuel italien d’origine sarde, Antonio GRAMSCI (1891- 1937) écrivait dans une de ses lettres, que sa famille était originaire de la Grèce, Pays que son arrière-grand-père avait fui en 1821, suite aux mouvements populaires. Cet ancêtre aurait trouvé asile en Italie, dans le Royaume des deux Siciles et y aurait fait rapidement souche.

Cette version de l’histoire familiale des Gramsci, est resté inaltérée jusqu’aux années 1990, quand une recherche systématique sur la présence de Gramsci en Italie (plus de 37.000 actes de décès analysés pour la période 1808- 1825),  a mis en lumière la présence du nom Gramsci dans deux villages arberesh (albanais) : Plataci et Lungro. Les arberesh sont les descendants italiens des émigrés albanais ayant fuit leur Pays au cours du 16ème siècle suite à l’avancée des Turcs. Ils s’établirent dans le midi italien, surtout au Calabre et dans les Pouilles.  Les chercheurs ont aussi découvert 2 actes notariés fondamentaux. Dans le premier, établi à Plataci en 1792, il est écrit que : « …Nicola Gramsci, qui, en plus que la propriété laissé par son père Gennaro Gramsci, possède un vignoble … ». Dans le deuxième, il s’agit de la dote que le même Nicola fait à sa fille Marianna, lors de son mariage. Le document a été établi à Naples le 27 avril 1820 et transcrit ensuite à Plataci. Dans ces documents nous trouvons deux prénoms typiques de la famille d’Antonio Gramsci : Gennaro et Nicola.

Des chercheurs ont aussi mené des recherches à Naples, où il trouvèrent dans les Archives militaires un dossier jamais ouvert auparavant, concernant la retraite de Nicola GRAMSCI. Nous apprenons ainsi que Nicola GRAMSCI est né le 31 décembre 1769, de Gennaro et de Domenica Blajotta. Ensuite, il épousa Maria FABBRICATORE et le couple eut un enfant à Plataci, Gennaro GRAMSCI. Par la suite, Nicola est décédé à Naples en 1824.

A Gaeta, dans un registre des actes de décès, nous voyons que: « le 8 Juin 1873, à vingt-trois heures et demie est mort en son domicile Gennaro Gramsci, mari de Teresa Gonzales, âgé de 61 ans, fils de Nicola et de Maria FABBRICATORE ».

Dans un registre des naissances de la même ville nous trouvons: « L’an 1860, le 6 Mars, Teresa Gonzales âgée de 30 ans, épouse de Gennaro Gramsci, âgé de 52 ans, nous a déclaré la naissance de leur deuxième enfant. Teresa Gonzales déclare de donner au nouveau-né les prénoms de Francesco, Alfonso, Erasmo, Giustino. Francesco était le père d’Antonio GRAMSCI.

Nous voyons donc que la famille GRAMSCI, originaire du sud de l’Albanie et non pas de la Grèce, était présente en Italie depuis bien plus longtemps que ce qu’Antonio pensait (1821). Comment cela a été possible? Cela est assez étonnant surtout si nous considérons qu’il s’agissait d’une famille instruite et d’anciennes traditions militaires. Pourquoi la mémoire familiale ne dépassait pas 3 générations, deux si nous considérons le père d’Antonio? Une explication pourrait venir du fait que le père d’Antonio a perdu son père à l’âge de 13 ans, et que le grand-père d’Antonio, Nicola GRAMSCI, avait perdu son père à l’âge d’environ 14 ans. Cela pourrait expliquer la dimension « mythique » et de « légende » que l’origine albanaise de la famille a pris assez rapidement . La mémoire avait été transmise par des personnes, probablement le mères de la famille GRAMSCI, qui étaient au courant du dossier d’une manière sommaire. Les déplacements de cette famille, aujourd’hui éparpillée entre la Sardaigne, la Russie et Rome, sont des plus intéressants, surtout pour ceux qui désirent étudier les communautés minoritaires du sud de l’Italie.

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