Petits, nous allions souvent rendre visite à une grande-tante paternelle, italienne née à Cuneo. Ne s’étant jamais mariée, elle vivait toute seule dans sa maison du centre historique. Un détail a toujours attiré ma curiosité, mais enfant, je n’ai jamais osé lui poser de question à ce sujet. Dans sa chambre, elle tenait une photo encadrée sur la commode, c’était le portait d’un jeune homme en uniforme. Des années après, cette photo a suivi ma tante au cimetière, placé derrière la pierre tombale où elle a été enterrée.
En posant des questions aux membres de la famille, j’avais entre-temps appris que la photo était le portait de son ancien fiancé, qu’il s’appelait Angelo et qu’il était originaire de Novara, ville du Piémont oriental. Celui-ci, un jour de 1941, avait reçu l’ordre de partir pour la grande opération sur le front de l’Est dont le nom en code était: Barbarossa.
Il avait ensuite intégré le CSIR, qui est ensuite devenu l’ARMIR.
Ma grand-mère se rappelait encore de la longue queue de soldats qui se dirigeaient vers la gare en attendant de partir pour la Russie. Elle se souvenait aussi des mères qui regardaient par les fenêtres, en pleures.
Le temps passait, et aucune nouvelle d’Angelo. Après l’éclatement du front du Don et la retraite, les anciens combattants commençaient à être rapatriés dès 1943, cachés par le régime -qui a essayé d’étouffer la tragédie de tant de jeunes envoyés mourir de cette façon. Toujours pas de nouvelles d’Angelo, qui vivait seul et n’avait à priori pas de famille.
La guerre continua de la manière que nous savons, survint le 25 juillet 1943 (destitution de Mussolini), le 8 septembre 1943 (armistice), l’occupation allemande, la libération.
Toujours pas de nouvelles. Avec la guerre froide, les rumeurs concernant les prisonniers de guerre italiens piégés en Russie, bloqués par le nouvel ordre politique mondial, étaient incontrôlables. Ma tante est même allée en Russie, officiellement pour le tourisme, mais espérait-elle trouver une trace? Un témoin? Quelque chose? Certains journalistes disaient même que les Italiens s’étaient faits une nouvelle vie et une famille en Russie. Plus tard ces rumeurs s’avéreront être sans fondement.
Ma tante a attendu pendant 50 ans d’avoir des nouvelles, et après l’effondrement de l’URSS, les premiers dossiers russes sur les prisonniers de guerre italiens ont commencé à affluer au ministère des armées, et les premières caisses avec les restes de ces pauvres morts ont commencé à arriver en Italie.
En connaissant ma passion pour la recherche et la généalogie, ma tante, désormais âgée, me demanda de l’assister et de l’aider dans ses démarches pour récupérer au moins les restes d’Angelo.
Je commençai alors les recherches, avec l’objectif de procurer à ma tante le plus possible d’informations. Je rentrai en contact avec l’association des anciens combattants du front oriental (qui dispose d’une vaste base de données), avec le ministère des armées, avec la mairie et les archives d’état de Novara, déjà pour obtenir l’acte de naissance et la fiche matricule d’Angelo.
Peu de mois après, la nouvelle. Nous avons reçu un document du ministère, très succinct. Sur ce document, il y avait un prénom, un nom de famille, une matricule, un lieu et une date de naissance, ainsi qu’un lieux et une date de décès : Souzdal, 22 février 1942.
À cette date, Angelo est mort dans l’un des nombreux champs pour les prisonniers de guerre italiens, de maladie. Son corps ayant été enterré dans une fosse commune, il n’était pas possible d’en rapatrier les restes. Sa guerre était finie. Pour lui, pas de décennies d’emprisonnement, pas de seconde vie. Seul un grand et long silence, interrompu par ce document 50 ans plus tard. le fait de connaître enfin la vérité, donna une sorte de sérénité à ma tante.
Pour un conseil, une recherche à débloquer ou toute autre démarche Contactez-nous
Liste (non exhaustive) de patronymes déjà étudiés.
A reblogué ceci sur Généalogie Italie.
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